1762-07-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Claude Philippe Fyot de La Marche.

J'ai reçu, mon respectable magistrat, le mémoire que vous avez bien voulu me confier.
Je ne veux pas douter que vos arbitres ne fassent rendre ce qui est dû à un père et à un beinfaiteur. Il me paraît qu'entre un père et un fils summum jus, summa injuria.

Vous avez pris tous deux le parti de la conciliation. Je serais bien étonné si cette affaire ne finissait pas par une soumission de m. votre fils à vos volontés et par une transaction amiable entre vous et lui.

Il me paraît que la restitution des fruits de l'année 1761, le prix de la coupe des bois vous appartiennent. J'ignore si m. votre fils n'a rien à redemander de ses biens maternels. Votre mémoire n'éclaircit pas cette difficulté, et sans doute vous ne laisserez pas subsister cette source de procès, qui pourraient un jour troubler votre famille. Les autres objets de discussion sont peu de chose, et doivent être abandonnés à votre générosité et à la résignation noble et respectueuse de m. votre fils.

Je me flatte que votre arrangement sera bientôt fait, puisqu'il est entre les mains des arbitres les plus éclairés et les plus intègres.

Je prévois bien que m. votre fils n'ayant pas d'argent comptant à vous donner, vous souffrirez des délais. Que ne puis je venir à présent avec l'argent à la main entre le père et le fils! Des deniers comptants sont les premiers des arbitres. Peut-être serai je assez heureux, au mois de septembre, pour venir vous offrir mes services. Je n'en désespère pas; ce serait pour moi le comble du bonheur de pouvoir vous prouver alors, dans les derniers jours de ma vie, combien je vous respecte et je vous aime.

Vos médailles sont très joliment gravées, les légendes simples et nobles, l'institution utile et digne de vous. Je vous remercie avec tendresse de ce monument de votre cœur et de votre esprit.

Je me flatte que vous avez toujours auprès de vous mme la marquise de Paulmy. Elle doit vous donner autant de consolation que vous avez éprouvé de chagrin. Je partage l'un et l'autre du fond de mon cœur. Comptez, je vous en conjure, sur mon respect, sur mon zèle, sur une amitié inviolable.

V.