aux Délices 17 mai 1762
J'étais très malade, monsieur, lorsque j'eus l'honneur de vous écrire touchant l'édition de Corneille: j'ai été depuis à la mort et je suis encore assez mal.
J'ose me flatter que l'édition n'en souffrira pas beaucoup, les meilleures pièces étant commentées et les autres ne méritant pas de l'être. Ce qui m'afflige c'est l'obstacle que mettent les libraires de Paris à cette édition que j'ai été obligé de diriger moi même et qui ne pouvait commencer que sous mes yeux. On a arrêté tous les prospectus chargés des noms des souscripteurs à la chambre syndicale, sous prétexte qu'il y a des libraires de Paris qui ont le privilége des œuvres de Corneille, mais ce privilége doit être expiré et appartient naturellement à la famille. D'ailleurs madlle Corneille ne pourrait elle pas demander le privilége d'un livre intitulé, Commentaires sur plusieurs tragèdies de P. Corneille et sur quelques autres pièces françaises et espagnoles? On ne pourrait, ce me semble, refuser cette justice, et le livre serait imprimé sous le nom de la veuve Brunet, qui pourrait s'accommoder avec mlle Corneille d'une manière avantageuse pour l'une et pour l'autre.
Ayez la bonté de me mander, monsieur, si vous approuvez cette idée et si vous pouvez contribuer à la faire réussir. Il y a déjà deux volumes d'imprimés; si la nature veut que je vive encore quelque temps, l'édition sera achevée dans 18 mois.