1762-04-18, de Voltaire [François Marie Arouet] à Germain Gilles Richard de Ruffey.

Ce n'est pas fatigue de plaisir qui m'a rendu paresseux avec vous, mon cher président.
C'est pour moy un très grand plaisir de vous écrire, mais au milieu des fêtes, je ne dis pas des fêtes de pâques je dis de celles que je donne à Ferney, au milieu des spectacles dont le Kain est venu faire l'ornement j'ay été très malade, et je le suis encore. Pour vous êtes vous à Dijon ou dans vos terres? Aidez vous votre ami mr de la Marche à terminer les tracasseries parlementaires? Voylà donc un conseillerà la Bastille! Vous m'avouerez que ma vie est un peu plus agréable. Votre académie me paraît plus tranquille que votre parlement; je vous remercie de vos beaux discours. Je m'étonne que vous ayez fait étudier vos enfants à Paris plustôt qu'à Dijon. Y a t'il une meilleure éducation que celle qu'ils pouraient recevoir auprès de vous? De mon temps on n'apprenait que des sottises au collège dit de Louis le grand. Les jesuittes seront bientôt réduits à la Lorraine comme ils le furent après l'aventure de Jean Chatel. Ils applaudiront à la belle traduction de la bible en vers polonais dont le roy Stanislas a fait présent à Mr le p. p. de la Marche. Entend il le polonais assez pour sentir la beauté des vers? En tous cas c'est comme vous savez un bon livre de bibliotèque, un magnifique présent. Je ne vous envoye point de livres mais voicy une gazette qui m'a paru curieuse. Gardez le secret à ma lettre et à ma gazette et aimez le malade.

V.