1761-08-20, de Germain Gilles Richard de Ruffey à Voltaire [François Marie Arouet].

Les temps sont Arrivez monsieur où deux de vos Amis vont cheminer par Monts et par vaux pour aller philosopher avec vous.
Nous partirons du château de la Marche le 1er septembre: ainsi nous arriverons chez vous le 3 ou le 4. Mandez moy en laquelle de vos terres vous serez pour nous y rendre depuis saint Claude.

M. de la M. vous amènera son Architecte. C'est un jeune homme qui a fait preuve à Dijon de Talens supérieurs par la construction de plusieurs édifices considérables où il a réussi. Aiez la Bonté de m'adresser votre lettre au château de la Marche par Chalons sur Sone.

Que dites vous M. des jésuites? Il y a en vérité dans leur conduite plus de sotise que de malice. Ils ont fait une Anerie complette de réveiller le chat qui dormoit. Ils en payeront la folle enchère.

Mais l'injustice et la violence de leurs ennemis est trop grande et fera dégénérer en pitié la haine des gens sensez.

En général toute persécution est odieuse et le parlement de Paris excède ses pouvoirs, compromet son honneur et son Equité, se laisse entrainer par la passion à gouverner par le fanatisme. Nous avons été au C. de Louis le G. avec toute la France. Jamais on ne nous a enseigné de doctrine meurtrière ni aucun principes dangereux qui sont des estres de raison imaginez par les jeansenistes, qui s'anéantiront eux mêmes sitôt qu'ils n'auront plus d'adversaires à combatre. Des deux partis le meilleur n'en vaut rien. Ils ont travaillé à se décrier et ont parfaitement réussi.

Adieu M. je ne puis vous exprimer le plaisir que j'auray de vous voir, de vous étudier, et de m'instruire à L'écolle d'un aussi grand maitre.