aux Délices 9 fév. 1762

J'ay présenté au roy Cassandre mon maitre dans sa maison de campagne d'Ephèse le projet de négociation de votre Excellence.
Le roy mon maitre est prévenu pour vous de la plus haute estime, il connait votre esprit conciliant, fécond, juste, aussi estimable qu'aimable; il m'a assuré qu'il sent tout le prix de vos conseils, et qu'il en a profité. Mais comme tous les princes ont leurs défauts je vous avouerai qu'il y a des articles sur les quels le roy mon maitre est têtu comme un mulet. Il dit qu'on le regarderait en Macédoine comme un imbécile, s'il ignorait la naissance d'Olympie élevée dans sa cour, tandis qu'Antigone étranger est instruit de cette naissance, que ses remords alors n'auraient aucun fondement, qu'ils seraient ridicules au lieu d'être terribles, que de plus cette ignorance de la naissance d'Olimpie rentrerait dans les intrigues vulgaires de cent tragédies où un prince reconnaît dans sa maîtresse, une ennemie, et qu'enfin ce que vous croyez capable de soutenir l'intérest serait capable de le détruire. Il m'a ajouté que les éclaircissements, les préparations, les longues histoires que cet arrangement exigerait, jetteraient un froid mortel sur un sujet qui marche avec rapidité, et qui est plein de chaleur. Je luy ay représenté touttes vos raisons; rien n'a pu le faire changer de sentiment. Assurez, m'a t'il dit, Monsieur l'ambassadeur d'Athenes qu'en tout le reste je défère à ses avis, que je suis pénétré pour luy de la plus vive reconnaissance, que je luy présenterai Olimpie si jamais il passe par la Macédoine pour aller en Asie.

Je vous confierai qu'il est infiniment touché des charmes de madame l'ambassadrice, mais comme il n'a que soixante et neuf ans, il attend qu'il en ait soixante et douze pour faire sa déclaration.

Pour moy monsieur il y a longtemps que je vous ai fait la mienne, et que je vous suis attaché bien respectueusement avec la plus tendre reconnaissance.

V.