1761-11-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Augustin Feriol, comte d'Argental.

Le vieux ministre de Statira cy devant épouse d'Alexandre ayant reçu très tard la déduction du comité, ne peut aujourduy que remercier leurs excellences, et leur faire les plus sincères protestations de la reconnaissance qu'il leur doit.
Mais n'ayant pu consulter encor sa cour il est très fâché de ne pas apporter un aussi promt redressement qu'il le voudrait, aux griefs de leurs excellences. Son auguste souveraine Statira a pris le mémoire ad referendum mais comme elle est malade d'une suffocation qui la fera mourir au quatrième acte, son conseil aura l'honneur d'envoier incessament à votre cour les dernières volontez de cette auguste autocratrice.

J'auray l'honneur de vous donner part que j'envoiai il y a onze jours la feuille importante concernant les intérêts de la demoiselle Dangeville, attachée à la cour de France, et pour la quelle nous aurons tous les égards à elle dus; que cette pièce importante était adressée à mr de l'Amilaville avec un gros paquet de Grizels de car, de ah ah, et de chansons intitulées Moyse Aaron. Nous craignons que malgré la bonne harmonie et correspondance des deux cours on n'ait saisi notre paquet comme trop gros, et qu'on ne l'ait porté à sa majesté très crétienne qui sans doute en aura ri, et au quel nous souhaittons touttes sortes de prospéritez.

Nous avons aussi dépêché à vos excellences copie des dits mémorials intitulez Grizel, Gouju, car, ah ah, Moyse et Aaron; et nous sommes en peine de tous nos paquets, pour les quels nous réclamons le droit des gens.

Et pour n'avoir rien à nous reprocher, non seulement nous vous expédions par le présent courier, les lettres patentes pour le 5ème acte de la demoiselle Dangeville mais encor la seule copie qui nous reste des Grisels, Goujus, car, ah ah, et Moyse Aaron. Nous adressons aussi copie de la scène de la ditte damoiselle Dangeville au confident Damilaville, recommandant expressément que le tout soit intitulé le droit du seigneur.

Nous nous ramentevons icy qu'il y a six semaines en ça que nous prîmes la liberté de vous adresser un paquet énorme pour madame du Deffand du quel paquet et de la quelle dame nous n'avons depuis entendu parler.

Nous laissons le tout à considérer à votre haute prudence et nous vous renouvellons les assurances de notre sincère et respectueux attachement; donné à Ephese dans la cellule de sœur Statira