1761-09-12, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Lévesque de Burigny.

J'ai reçu fort tard de Bénigne Bossuet dont vous m'avez honoré.
Je vous en fais mon très sincère remerciement le plus tôt que je peux. J'aime fort les pères de l'église, et surtout celui là, parce qu'ils est bourguignon et que j'ai à présent l'honneur de l'être. De plus il est très éloquent. Ses oraisons funèbres sont de belles déclamations. Je suis seulement fâché qu'il ait tant loué le chancelier Le Tellier qui était un si grand fripon. Son histoire particulière de trois ou quatre nations, qu'il appelle universelle, est d'un génie plein d'imagination. Il a fait ce qu'il a pu pour donner quelque éclat à ce malheureux petit peuple juif, le plus sot et le plus méprisable de tous les peuples.

Vous avouez que ce père de l'église a été un peu mauléoniste, et cela suffit. Si d'ailleurs vous croyez qu'il ait ressemblé à quelques médecins qui croyent à la médecine, je vous trouve bien bon et bien honnête. Sa conduite avec m. de Fénelon n'est pas d'un homme aisé à vivre; et il faut avoir le diable au corps pour tant crier contre l'aimable auteur du Télémaque qui s'imaginait qu'on pouvait aimer dieu pour lui même.

Au reste je fais plus de cas de Porphire, et je vous remercie en particulier d'avoir traduit son livre contre les gourmands. J'espère qu'il me corrigera.

J'ai l'honneur d'être de tout mon cœur, monsieur &ca