A Saint-Marcel, par le Pont-Saint-Esprit, le 4 août 1761
J'arrive, mon cher confrère, d'un voyage de six semaines que j'ai fait dans ma parenté; j'ai trouvé les deux lettres dont vous m'avez honoré le 25 juin et le 1er de ce mois.
Vous n'avez pas sûrement douté de l'empressement avec lequel je souscrirais à l'édition que vous préparez des œuvres du grand Corneille. Tout est beau dans le projet. Vous seul étiez digne de marquer les défauts, et de consacrer les beautés des ouvrages de ce grand homme, et de servir de père à ses petits-enfants. Je pense que cette entreprise sera la plus utile de toutes pour notre langue et la plus glorieuse pour vous.
Il serait bien à souhaiter que l'académie prît le même soin des ouvrages de nos grands écrivains, mais où trouverait elle des hommes capables comme vous de remplir cette belle idée?
Je vous prie d'inscrire mon nom à côté de celui de m. de Nivernois, pour douze exemplaires. Il ne me convient pas d'en faire plus, ni moins que mon ancien ami.
L'air natal a presque entièrement rétabli ma santé; depuis que je me porte bien, je monte quelquefois sur mon observatoire, et, après avoir considéré bien des choses, je vois que j'ai des grâces infinies à rendre à la providence.
Je ne désespère pas d'avoir le plaisir de vous rencontrer et de vous dire bien franchement, mon cher confrère, que personne ne vous est plus tendrement attaché que moi.