1761-06-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Voilà donc pour le coup les deux frères ensemble; ils ne seront jamais en meilleure compagnie.
Vôtre Lettre, mon cher Monsieur, est consolante; elle me fait voir que malgré mes profusions, il me reste encor quelque chose. Je vous prie de vouloir bien avoir la bonté de m'envoier un petit rouleau de cent Louïs d'or, et je vous laisserai en repos jusqu'à la fin de Juillet.

Je viens de faire un plaisant arrangement aux Délices. Il se trouve qu'il y a quinze pièces de plein pié. Je lui donne la préférance sur Ferney; il n'y a pas de comparaison pour l'agrément et la comodité; mais il est bien doux de posséder ces deux retraittes. On ne peut finir plus doucement sa vie. Le mal est que je n'y ai guères de loisir. Je suis aussi occupé de bagatelles que vous l'êtes de choses utiles. Vous cherchez à vous sauver des orages où nous sommes, et il faut que j'en fasse l'histoire. Le tableau des folies des hommes m'occupe, vous vous contentez d'être sage, vôtre Lot vaut mieux que le mien. La nièce, madlle Corneille, et moi nous embrassons les deux frères.

Je suplie monsieur Tronchin de vouloir bien faire parvenir ce petit billet à mr L'abbé Pernetti.

V.