Eh mon dieu! mon cher correspondant, j'ay oublié de vous remer[c]ier de l'huile que vous avez la bonté de m'envoyer.
L'orge vaudra un denier et le bled un denier, cependant ne gâtez pas le vin et l'huile dit la sainte écriture . . . . Mon vin de Tourney est fort bon, et vaut mieux que le baujolois, mais je ne peux avoir huile que par vos grâces.
L'affaire des frères jésuittes commence à être sourdement connue dans la ville de cet enragé de Calvin. Notre procureur général n'est pas fâché. Dauphin Chapaurouge, notre secrétaire d'état, qui a été le prête nom des jésuittes pour acheter le bien des orphelins est un peu honteux. Mais il se range à son devoir. Il se poura faire que les frères jésuittes soient forcez à offrir aux héritiers une somme de deux mille écus ou plus pour les appaiser. Il se poura que les héritiers s'en contentent. En ce cas j'aurai dégraissé les enfans d'Ignace, j'auray vidé leur bourse et comblé leur honte, et je chanterai alleluia en reprenant mon argent. Louez dieu de tout cela mon cher correspondant. J'avoue que les jésuittes me damneront mais dieu qui n'est ny jésuitte ny janséniste, ny calviniste, ny anabatiste, ny papiste me sauvera.
Dans le moment un jésuitte sort de chez moy. Il s'est venu soumettre, ils rendront le bien. Je vous donnerai le détail de cette avanture. Il faut toujours que les Tronchins entrent dans les bonnes affaires. Le procur. ge͞nal n'a pas peu servi. M. votre frère est prodigieusement occupé. Il devait dîner avec moy aujourdui et rire. Il n'a pu y venir. Pour moy je fais des éclats de rire que made Denis entend de sa chambre. Riez donc aussi. En vérité tout cela est bien plaisant. Vale.
V.
dimanche au soir [7 December 1760]