1761-05-05, de Charles Jean François Hénault à Voltaire [François Marie Arouet].

Je savais, mon cher confrère, l'anecdote d'Urceus Codrus.
Notre teinturier l'abbé Boudot ne nous l'avait laissé ignorer ni au grand fauconnier ni à moi: il est fort noble à lui de se charger de l'iniquité: cela ressemble à l'envoyé de Modène qui lors du mariage de sa maîtresse, la soutenait à la réjouissance, d'un petit écu.

Votre réponse est très curieuse et je la communiquerai à coup sûr à made du Deffand, avec votre lettre, dont je ne la priverai pas.

Vous ne me dites rien du discours de m. de Limoges. Est ce que je me trompe? Il m'a paru fort beau: d'avoir mis tout le bagage de l'Académie en bordure, et de rendre ce jeune prince le centre de tout, est digne de louange. Il est vrai qu'il n'avertit pas par ce que l'on appelle de l'esprit, c'est aux bons lecteurs à s'en aviser.

Nous avons une Vie du Cal Grandvelle par Cruchettet, qui me paraît bien.

Votre archidiacre est au moins un bon chrétien. Il tend l'autre joue, il faut espérer que vous n'en abuserez pas. Nous avons encore l'abbé Seguy à remplacer, ce sera m. le prince Louis, et puis après cela il faut croire que la mort nous laissera en paix.

Savez vous que l'on m'a traduit en chinois? sans compter une traduction en anglais. Il ne me manquerait plus que de me faire recevoir Turc comme m. Jourdain.

Voilà ce que c'est que les deuxépîtres que vous m'avez écrites. Sans vous je n'aurais été lu que dans le quartier de l'université, c'est vous qui m'avez mis dans le monde.

Adieu mon cher confrère, ne me privez pas de tout ce que vous faites, et ménagez vos admirateurs nés et qui, par dessus le marché vous aiment à la folie.

Le cher abbé Trublet vient de me montrer votre lettre. Elle est à merveille.

Il faut écrire Urceus et non pas Vrseus. Les discours de m. de Nivernois ont eu tout le succès qu'ils méritaient.

Mais j'apprends une chose qui me fait beaucoup de plaisir. Vous avez écrit une lettre charmante à l'académie, et vous entreprenez un ouvrage digne de vous. Il vous était réservé de consacrer les ouvrages de Corneille, et que la postérité le reçût de vos mains. Les notes que vous y ajouterez lui donneront les derniers traits, vous êtes l'Apelle de votre rival.

J'ai ri tout autant que j'ai pu des Abr. chr.