4 may [1761]
Les divins anges auront de L'Oreste tant qu'ils voudront.
J'ay relu les fureurs, je n'aime pas ces fureurs étudiées, ces déclamations. Je ne les aime pas même dans Andromaque. Je ne sçais ce qui m'est arrivé, mais je ne suis content ny de ce que je fais, ny de ce que je lis. Il y a surtout une consultation d'avocat pour melle Clairon qui est du stile des charniers St Innocent. J'ay pardonné à l'archidiacre, j'oublie Fréron, mais Omer me le payera.
Les jésuittes sont bien impudents d'oser dire que frère la Valette ne faisait pas le commerce, et qu'il ne vendait que les denrées du cru. Je connais un homme d'honneur, un brave corsaire qui l'a vu, déguisé en matelot, courir les colonies anglaises et hollandaises, et qui l'a accompagné dans un voïage à Amsterdam.
Je suis encor plus indigné de tout ce que je vois, que de tout ce que je lis. Je regrette fort le chevalier d'Aidie car il était bien fâché contre le genre humain. Je crois que je n'aime que mes anges et Ferney.
Mr le duc de Choiseuil m'a écrit une fort jolie lettre, mais il est si grand seigneur que je n'ose l'aimer.
Le card. de Bernis est à Lyon. Je ne l'ay pas prié de venir dans mon joli séjour. Je ne suis pas arrangé encore, et il est cardinal.
Je vous demanderai encor en grâce, de lire le droit du seigneur ou l'éceuil du sage. Je vous dis qu'il faut que vous ayez des âmes de bronze si vous n'en êtes pas contents. Il est vray que c'est toutte autre chose que ce que vous avez vu — mais songeons à Oreste. J'y travaille dans l'instant.