1760-11-05, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jacob Vernes.

Voylà un Pierre mon cher ami.
Ce n'est pas Simon Barjone. Mais tout deux sont fondateurs, et celuy cy vaut bien l'autre.

Tancrede n'est ny imprimé, ny achevé. Le roy l'a demandé pour le 15 du mois. Je ne serai pas s'il sera content, mais je ne le suis jamais de moy. Je me corrige toujours et je ne me perfectionne jamais.

Je vous parle d'abord de ces bagatelles pour en être quitte. Je me suis occupé plus sérieusem͞t de la malheureuse avanture de mr votre frère. Je m'y suis intéressé avec un sentiment très douloureux. Je vous aime de tout mon cœur. Votre belle sœur m'avait baucoup plu. Je la trouvais très aimable. J'ay été tenté vingt fois de vous écrire et de vous supplier de venir diner avec moy tête à tête. Je voulais vous parler, mais j'ay respecté votre chagrin et je n'ay pas été assez hardy.

Vous me feriez un extrême plaisir de me préter le galimatias d'Atanase. Je le soupçonne d'être aussi fou que celuy de Calvin et de Servet. Que dites vous de cet autre évêque qui pria le bon dieu de faire mourir Arius lors qu'il allait à l'église, et qui fut exaucé?

Et que dites vous àprésent de Luc? Heureux ceux qui cultivent en paix Ceres, Pomone et Flore: j'ajoute encor ceux qui rient des folies des hommes et qui sont sensibles à tout ce qui arrive à leurs amis.

V.