le 17 oct. 1760
Monsieur,
J'ay reçu les deux lettres que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 16, par l'une desquelles, vous me marqués du mécontement de ce qu'il est dévenu publique que vous aviez nommé Mr de Moncrif pour Censurer le pr volume du Czar; Je vous suplie d'être très persuadé, Monsieur, que je n'ai aucune part à cette indiscrétion, et que touttes les fois que vous me chargerez d'un secret que je ne le divulgerai jamais; je suis trop jaloux de vous plaire pour me mettre dans le cas de mériter des reproches.
Voicy donc Monsieur, de la façon dont la chose s'est faite.
Robin étant venu me trouver à la Bourse pour me demander de la part de m. Dargental le nom du Censeur que vous aviez nommé, et, luy ayant répondu que je l'ignorois, il a été tout de suite à votre secrétaire luy faire la même question et il luy a dit que c'étoit M. De Moncrif; Robin est revenu sur le champ me le redire et j'ai toujours persisté à l'ignorer. Il m'a quitté en me disant qu'il alloit vous trouver monsieur à Maleserbes et vous porter une Lettre de M. Dargental.
Je ne sçai pas comment votre secrétaire a pu sçavoir ce qu'il a dit puisque je ne luy en ai pas parlé, mais j'imagine qu'il l'aura pensé en le faisant prier ainsi que vous m'en aviez chargé de contresigner le paquet à l'adresse de m. de Moncrif, que je luy avois cependant envoyé cacheté.
J'avois bien effectivement parlé de cette affaire à M. le lt de police, mais comme j'avois eu l'honneur de vous en écrire et qu'il ne paroissoit pas qu'il y eut rien de pressé, ce magistrat n'a pas cru que ce fût le cas de donner des ordres soit pour rendre, soit pour deffendre cet ouvrage.
J'ai suspendu Monsieur à la Chambre l'almanach de Basle que je joins icy, mais comme je l'ay lû et qu'il ne m'a pas paru qu'il y eût rien de suspect, je le ferai rendre à la prochaine chambre àmoins que vous ne me fassiez donner des ordres pour le contraire: à l'égard de ceux que vous m'aviez donné pour les Mémoires Littéraires du M. d'Argens, vous verrez Monsieur, par la reconnoissance que j'ai l'honneur de vous addresser des srs Bauche et Durand, que j'ai pris des mesures pour vous assurer de l'édition qu'ils ont fait faire et que vous pourrez disposer quand vous le jugerez à propos.
Je suis avec un très profond respect,
Monsieur,
Votre très humble et trés obéissant serviteur
D'Hemery