29 d'auguste 1760
Je réponds, monsieur, à votre lettre du 12.
Je vois avec plaisir l'intérêt que vous prenez à l'honneur des belles lettres. Plus la place que vous occupez semblait devoir vous interdire le goût de la littérature, plus vous y avez de mérite. La publication de l'Histoire de Russie sous Pierre le grand est une nouvelle prématurée. Vous me feriez plaisir, monsieur, de me dire quel est ce monsieur Do.. dont vous n'achevez pas le nom: les Suisses comme moi ne sont pas au fait de l'histoire de Paris et n'entendent pas à demi mot. Je n'ai point encore vu l'imprimé qui a pour titre Requête de Jérôme Carré aux Parisiens. Vous me feriez plaisir de me l'envoyer; on dit qu'il est différent de celui qui courait en manuscrit. On m'a mandé qu'on jouait l'Ecossaise à Lyon, à Bordeaux et à Marseille avec le même succès qu'à Paris. Je ne sais pas pourquoi le sr Fréron s'est obstiné à se reconnaître dans le Frélon de m. Hume. Il est certain que ce n'est pas la faute de Jérôme Carré, qui n'est qu'un simple traducteur, et qui est l'innocence même. Il ignorait absolument qu'on eût jamais parlé d'envoyer le sr Fréron aux galères. C'est le sr Fréron lui même qui a appris cette anecdote au public: il doit savoir ce qui en est.
En attendant il est exécuté sur tous les théâtres de France; la punition est douce, s'il est coupable de toutes les choses dont on l'accuse. On m'a envoyé des mémoires sur sa vie, dont il y a, dit on, plusieurs copies dans Paris. Il paraît par ces mémoires que cet homme appartient plus au Châtelet qu'au Parnasse. Au reste je ne l'ai jamais vu; je n'ai lu que deux ou trois de ses misérables feuilles qu'on oublie à mesure qu'on les lit.
Je m'occupe bien plus agréablement de vos lettres et des sentiments que vous me témoignez que des sottises de ce gredin. Comptez, monsieur, sur la vive sensibilité de votre &a.