13 aoust [1760] au soir
P. S. J'ai été ce matin à la grande poste, suivant la convention faite entre M. le Norman et moi, et il ne s'y est point trouvé.
On m'a dit qu'il étoit allé près de Chantilli à une terre dont il a fait présent à sa maitresse. Ainsi je ferai partir tout ce qui sera imprimé, avec la signature de Mrs Les administrateurs de la poste; et je reprens la voye de M. de Chenneviere pour tout ce qui sera M. S. Voilà donc le 3e paquet que vous aurés reçu de cette part. Je n'en ferai partir le 4e que lors que je serai certain que vous les aurés receu. Voyés dans quel embarras je suis pour n'avoir rien déclaré de tout ce que vous devés avoir receu. Je suis par exemple aussi en peine de la boëtte que j'ai mis il y a longtems à la diligence de Lyon adressée pour vous à Mrs Tronchin et dans laquelle sont 3 Vol. in 8. de Moses's Legation, et autres livres et brochures que je vous annonçai alors. Je vous dirai de plus comme vous disiés à M. Dalembert, il supose toujours que j'ai tout veu. C'est une règle de fausse position. Je n'ai rien veu. Vous suposés toujours que je ne vous dis rien. C'est une règle de fausse position. Je vous ai tout dit, et je vous dis tout.
Monet est venu me voir ce matin pour savoir si je n'avois rien à lui remettre pour vous. M. Gravelot lui a remis tout ce qu'il avoit de desseins. Vous en devés être bien content. Les Vanloo, les Bouché et tout ce qu'il y a d'habiles gens admirent le singulier talent de cet artiste qui est unique en ce genre. Rapellés vous les desseins de le Moine, de Weughel et de de Troyes pour la Henriade, et voyés combien ceux cy sont supérieurs. Ce sont de vrais tableaux.
Madame de Pompignan grosse de quatre mois est allé aux Ormes chés M. Dargenson avec son beau frère l'Evêque Du Puy. Ils ont abandoné le Pompignan qui leur a fait perdre patience sur son discours, sur son Mémoire et sur des petites brochures contre vous et contre les sages, aux quelles il a pris part. C'est son Libraire Choubert qui m'a dit tout cela sans le lui demander. Il m'a ajouté en même tems qu'il étoit comme un désespéré.
Je suis de ceux qui n'ont jamais donné leur consentement à votre commercium Epistolicum avec Palissot. Il n'étoit pas convenable de rien discuter avec un pareil poliçon. Chacun est persuadé qu'il a falsifié vos lettres et les siennes où il marque baucoup de lacunes.
Votre lettre m'a coûté quinze sols de port sans envelope. Pour quoi ne me l'avés vous pas fait tenir par M. de Chenneviere ainsy que les précédentes du 22 ou du 28 Juillet? Tout cela me trouble et m'inquiette. Il y a déjà un mois que je tiens un Journal de tout ce que je vous envoye et je vous écris.