[November/December 1752]
Voici mon cher comte l'opéra, reveu, et corïgé.
Le roy m'a dit hïer au soir vendredy, de vous l'envoïer, et de vous prier d'y avoir un peu d'y avoir un peu d'atentïon. Le poète faira bïen de traduire mot à mot le récitatif, et de rendre les paroles des airs le plus exactement qu'il luy sera possible.
Le roy m'a dit qu'il avoit été depuis cinq heures du soir jusqu'à six heures chés Maupertuis, voïllà de quoy metre au néant toutes les brochures; cette vïsïte a désorienté touts les Konistiens, et selon les aparences elles ne sera pas la dernière car le roy m'a paru très sensïble à l'état dans le quel étoit Maupertuïs. Que dit votre chère ami l'ingénieusse comtesse?
J'ai veu ici, l'infâme brochure où la Denis est maltraitée si indignement, et accussée si faussement. Je croirois presque c'est qu'on dissoit de la Baumelle, car les huit ou dix vers qui sont à la fin de l'ouvrage, sont d'un homme qui est du métier. D'ailleurs il n'est parlé que du comencement des amours de la Schuerin; si cette brochure avoit été compossée en dernier lieu, pourquoy n'auroit t'on pas parlé de la catastrophe qui est connue de tout le monde? Cependant il reste l'objection du libelle jeté dans le carosse de Cali dans le tems que la Baumelle n'étoit plus à Berlin. Enfin qui que ce soit qui soit l'auteur d'une pareille infamie, c'est un homme à pendre.
Les intermesses viendront ils ici, vous en sçavés làdessus plus que nous? Asurés Maupertuis de mon dévouement, et faites luy mes complimens je vous prïe.
Quand viendrés vous dans ce pais? Si vous n'arivés pas lundi ou mardy donnés moy je vous prie des nouvelles de la réception de l'opéra. Je vous embrasse de tout mon coeur, et vous souhete bien de l'amusement et du plaisir.
Je conte que vous aurés veu Smit et que vous aurés un peu calmé sa bille. Vale et semper vale.
Dargens