1760-07-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charles Guillaume Le Normant d'Etioles.

Madame de Vinterfeld monsieur m'apprend avec quelle bonté vous voulez bien vous souvenir de moy.
J'en suis pénétré jusqu'au fonds du cœur. Vous savez combien j'ay toujours été attaché à toutte votre famille, et surtout à monsieur de Tournehem. Plus je me flatte monsieur d'être une de vos plus anciennes connaissances, moins j'espère le bonheur de vous revoir. Mon âge avancé et le party de la retraitte que j'ay pris depuis longtemps m'interdisent la consolation de me rapprocher de vous. C'en est une pour moy bien grande et bien sensible, de savoir que vous daignez vous intéresser à moy, et je goûte un plaisir infini à vous en remercier. Madame de Vinterfelt m'assure que vous permettez que je vous adresse un paquet pour elle et un autre pour monsieur Tiriot. Je ne prendrais pas cette liberté si je n'y étais autorisé par la lettre de madame de Vinterfelt, par l'amitié qu'elle m'a conservée et par celle qu'elle a pour vous.

Mes terres qui sont situées sur la frontière m'ont valu quelquefois un peu de correspondance avec messieurs vos confrères. Je n'ay éprouvé de leur part que des procédez nobles et de bons offices dont je suis extrêmement reconnaissant. Quand je me trouverais dans votre département, je n'aurais pas été traitté avec des attentions plus polies.

Comptez Monsieur que je vous conserve les mêmes sentiments que j'avais pour monsieur votre oncle, et que j'ay l'honneur d'être avec la sensibilité la plus vive et un dévouement entier

Monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire gentilhome orde du roy