1760-06-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à François de Pougny de Guillet, baron de Monthoux.

Monsieur,

Puisque vous me mettez des Monsieur en sentinelle, je vous en mettrai aussi; mais je vous dirai que j'ai plus besoin d'avoine que de traducteurs; j'obéïrai à vos ordres, et les Cramers ne manqueront pas de vous adresser un éxemplaire de l'histoire de Pierre le grand, dès qu'elle sera prête à paraître; ces détails les regardent uniquement; je leur ai abandonné sans réserve, tout le profit de mes ouvrages; ils font mon amusement, je souhaitte qu'ils fassent l'avantage de ceux à qui j'en fais présent; je leur recommanderai de prendre pour la traduction, les arrangements que vous ou vos amis, monsieur, vous voudrez bien préscrire; je ne sçais si j'engraisse mes libraires, mais mes Chevaux sont bien maigres, et Comme j'ai beaucoup plus de Chevaux que d'imprimeurs, je vous demande instamment vôtre protection, pour une vingtaine de Coupes d'avoine, en attendant que vos belles récoltes passent dans mes greniers.
Si Dieu me prête vie vous ne débourserez pas un sou pour me payer mes douze mille francs; je me suis brouillé avec les bœufs, ils marchent trop lentement, celà ne convient point à ma vivacité; ils sont toujours malades; je veux des gens qui labourent vite, et qui se portent bien.

Mille respects à Madame la Baronne de Monthou. Habitez vous actuellement vôtre Chateau d'Annemasse?

J'ai l'honneur d'être avec les sentiments que je vous dois

Monsieur,

Vôtre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire