aux Délices, 22 février 1760
Je remercie à deux genoux la philosophe qui met son doigt sur son menton, et qui a un petit air penché que lui a fait Liotard; son âme est aussi belle que ses yeux.
Elle a donc la bonté de s'intéresser à notre malheureuse petite province de Gex; elle réussira si elle l'a entrepris; puisse-t-elle venir secourir et embellir les bords du lac de Geneve! puisse-t-elle revenir avec m. Linant et le prophète de Bohème!
J'écris, monsieur, à m. d'Argental en faveur de melle Martin, ou le Moine, ou tout ce qu'il vous plaira; quelque nom qu'elle ait, je m'intéresse à elle. J'ai entendu parler de deux nouveaux volumes du roi de Prusse, imprimés depuis peu à Paris; il fait autant de vers qu'il a de soldats. La police a défendu ses vers; on dit même qu'on les brûlera; cela paraît plus aisé que de le battre.
Je suis médiocrement curieux de l'éloquente oraison de m. Poncet de la Rivière, mais je voudrais avoir le Spartacus de m. Saurin; c'est un homme de beaucoup d'esprit et qui n'est pas à son aise. Je souhaite passionnément qu'il réussisse.
Vous me parlez de terribles impôts; puissent ils servir à battre les Anglais et les Prussiens! Mais j'ai peur que nous n'en soyons pour notre argent.
Je présente mes obéissances très humbles à toute la famille. Si made d'Epinai veut m'écrire un petit mot elle comblera de joie un solitaire malade dans son lit. Ce malade a demandé au grand Tronchin s'il fallait s'enduire de poix résine comme l'ordonne Maupertuis, il a répondu qu'il fallait attendre des nouvelles de l'Académie française.