1759-12-16, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg.

Calfeutrés vous, chauffez vous bien madame.
Digérez, jouissez de la société d'une amie charmante et de la considération personnelle qui doit rendre votre vie agréable. On abrège ses jours dans le tracas des cours, on les prolonge, et on les rend serains dans la retraitte. Si je suis en vie j'en ay l'obligation à ma campagne. J'ay acheté deux terres belles et bonnes auprès de mes Delices par reconnaissance du bien que m'a fait la vie champêtre. J'ay trois ports contre tous les naufrages, c'est là que je plains les folies barbares de ceux qui s'égorgent pour des rois, j'y ris de la folie ridicule des courtisans, et du changement continuel de scènes dans une très mauvaise pièce. Les vers que vous m'envoyez ne donnent point envie de rire, ils disent des véritez bien tristes. Il faut s'attendre à peu de gloire et peu d'argent. Passe pour le premier point. Le duc de Lauraguais renonce à la gloire et garde son argent mais la France perd le sien.

Bonsoir et mille tendres respects.

V.