1759-11-30, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Un Suisse comme moy mon cher correspondant ne connait ni les Baujons ni les Gossens ny rien de la marine.
Je prie dieu seulement que notre marine ne soit pas anéantie. Et je vous félicite de ne point souffrir de touttes les secousses que le royaume vient d'éprouver.

Le vin de Baujolois me consolera un peu. Je vous fais mes remerciments; vous mangez donc à cu noir comme toutte la France. Il n'y a sorte de bontez que vous n'ayez pour moy. Le libraire la Roche prétend qu'il m'envoye l'ordonance des eaux et forêts. S'il la envoyée, je vous supplie de vous en faire informer. Il me faudrait aussi l'ordonnace criminelle attendu que l'on juge à présent un procez criminel dans mes terres. Rien n'est si cher que de rendre justice.

J'ay pensé il y a quinze jours qu'il était bon d'acheter actions sur les fermes quand elles étaient à 600. Le fonds est sûr. Je crois que 30000 livres ne seraient pas mal employez dans cet effet. Mais il faudrait vendre annuitez et billets lotteries, et je les crois actuellement invendables. Ne reprendront ils pas faveur si m. de Montmartel règne sous le nom de mr Bertin? Mais alors les actions des fermes ne hausseront elles pas aussi? qu'en pensez vous? que conseillez vous? Je commence à être bien pauvre. Je vous embrasse tendrement.