4e 7bre [1759]
Je vais écrire, mon cher philosophe, pour qu'on vous rende vos articles de l'histoire naturelle.
Il est râre que les Libraires soient fort empressés quand il s'agit d'un procédé honnête; tout homme a plus ou moins les vices de sa profession; la Métrie, dont vous me parlez, n'avait point ceux de la sienne, car en vérité il n'était point du tout médecin; il cherchait seulement à être athée; c'était un fou, et sa profession était d'être fou; mais ceux qui vous ont dit qu'il était mort repentant sont de la profession des menteurs; j'ai été témoin du contraire; pour Maupertuis vous pouvez compter que pour être mort entre deux capucins, il n'en croyait pas d'avantage à st François; il n'était pas moins extravagant que la Métrie, il est mort de la rage de sentir qu'il n'avait pas dans l'Europe toute la considération qu'il ambitionait; le païs de St Malô est sujet à produire des cervelles ardentes dans le goût de celles des Anglais. Ma folie à moi est d'être Laboureur et architecte, de semer au semoir des terres ingrattes, et de me ruiner à bâtir un petit palais dans un désert. Au reste, mon cher ami, il ne faut penser ni comme la Métrie ni comme Maupertuis, mais comme Socrate, Platon, Ciceron, Epictete, Mar Aurelle; les barbares raisonneurs qui sont venus depuis sont la honte du genre humain, et leurs sottises font mal au cœur.
Heureux qui est le maître chez soi, et qui pense librement. Vale.
V.