1759-07-11, de Voltaire [François Marie Arouet] à Pierre Rousseau.

Monsieur Desmal, Monsieur, a reçû vôtre Lettre; il vous est très obligé de vôtre souvenir; et quoique son frère le capitaine ait été fâché contre je ne sçais quel monsieur de V.
qui lui a ravi insolemment l'honneur d'avoir mangé du Jésuitte, et d'avoir voyagé avec Mr Martin, vôtre journal est le seul qu'il lise avec plaisir. Il pense absolument comme vous sur L'ex Jésuite dont vous lui parlez, à cela prèz qu'il ne le lit jamais. Il voudrait fort avoir quelque pièce à vous communiquer, mais vôtre journal n'en a certainement pas besoin; et d'ailleurs ce Mr Desmal est si gâté par ses voyages, et pense quelquefois d'une manière si hardie que son frère le capitaine tout Loustick qu'il est du régiment n'oserait pas faire imprimer ses rêveries à Zastrou. Il craint si terriblement de déplaire à la Sorbonne qu'il s'est fait Maçon, laboureur et jardinier; il gouverne ses terres et n'écrit point sur l'agriculture comme font tant de gens à Paris qui n'ont jamais vù que les Tuileries enseignent hardiment la multiplication du bléd. A l'égard des pucelles il est trop vieux pour s'en mêler, et il serait bien fâché de se brouiller avec st Denis pour la tête du quel il a toujours eu un respect vivement sincère; Il vous fait ses très humbles compliments sans aucune cérémonie, dans le goût d'un homme qui a voyagé avec Martin.