1758-12-17, de Voltaire [François Marie Arouet] à Claude Adrien Helvétius.
Vos vers semblent écrits par la main d'Apollon,
Vous n'en aurez pour fruit que ma reconnaissance.
Votre livre est dicté par la saine raison:
Partez vite, et quittez la France.

J'aurais pourtant, monsieur, quelques petits reproches à vous faire; mais le plus sensible, et qu'on vous a déjà fait sans doute, c'est d'avoir mis l'amitié parmi les vilaines passions. Elle n'était pas faite pour si mauvaise compagnie. Je suis plus affligé qu'un autre de votre tort. L'amitié qui m'a accompagné au pied des Alpes fait tout mon bonheur, et je désire passionnément la vôtre. Je vous avoue que le sort de votre livre dégoûte d'en faire. Je m'en tiens actuellement à être seigneur de paroisse, laboureur, maçon et jardinier, cela ne fait point d'ennemis. Les poèmes épiques, les tragédies et les livres philosophiques rendent trop malheureux. Je vous embrasse, je vous estime infiniment, je vous aime de même et je présente mes respects à la digne épouse d'un philosophe aimable.