1758-10-14, de Isaac Budé à François Tronchin.

Monsieur,

Vous aurés sçu que Mr de Voltaire est en marché avec moy pour la terre de Fernex, et que nous sommes Monsieur à peu près convenus de tout, et que rien ne l'arrête, entre nous, de passer le Contrat que l'article des lods.
Il me dit qu'il me payeroit en lettres de Change sur Lion. Il fut hier icy tout le jour, il croit que les affaires vont aussy vitte que son imagination. Je dis qu'il me feroit plaisir de faire négotier ses lettres, et de me donner l'argent. Il me dit qu'il n'entendoit rien à cela (je n'y entens rien non plus), et qu'il le vouloit bien, qu'il vous en écriroit, et m'ajoutta que c'étoit vous, Monsieur, qui aviés la bonté de le diriger. C'est ce qui m'engage à vous écrire ces lignes pour vous prier d'arranger cela de façon que je puisse avoir l'argent à Geneve. Je ne demande pas à gagner, mais à ne rien perdre, perdant déjà assés sur la charge que je me suis imposé en prenant cette terre. Nous sommes convenus à 114 mille livres de France. Je sçais que 4750 Louis d'or à 24lt font précisément Ces 114 mille livres, au lieu qu'en lettres de change, je suis sûr que j'y trouverai du déficient, si vous n'avés la bonté d'y mettre remède. Il doit me donner 60 mille livres d'abord, et le reste en lettres de Change à une ou deux usances. Je ne sçais ce que c'est que ce grimoire. S'il faut attendre deux ou trois mois pour être payé du reste, je perdrois les intérêts de ce tems là, et tous ces Changemens ne feront pas somme. J'attens de vous Monsieur cette faveur. Il ne faut point je vous prie parler de cette négotiation come étant finie, parce qu'il traitte des Lods. Pardon de l'embaras que je vous donne. Vous m'avés permis cette liberté, et je me prévaux de vôtre amitié dont vous me donnés souvent des preuves. Je vous prie d'être persuadé de ma sensibilité, et que j'ay l'honneur d'être avec un sincère, et respectueux attachement Monsieur votre très humble et très obéissant serviteur.

Bude de Boisy