1758-10-07, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Robert Tronchin.

Je vous enverrai incessamment mon cher correspondant la réponse à la lettre qu'une belle dame vous a remise pour moy.
Cette personne pensait comme feu votre ami le teneur de conciles.

Quant à mr Pesselier, il est vray que j'ay trouvé un roulau à Lausane contenant un tableau de finance. Cela est dans ma petite bibliotèque de Lausane. Il n'y avait point de lettre, et ce n'est que par vous que j'apprends aujourdui que c'est à Mr Pessellier à qui j'en ay l'obligation. Je vous prie mon aimable correspondant de luy marquer combien je l'estime. Je le regarde comme un des meilleurs esprits que nous ayons en France, et je suis extrêment flatté de son souvenir. Je ne sçais point sa demeure et d'ailleurs je ne pourai voir ce qu'il a eu la bonté de m'envoier que quand je serai à Lausane. Je m'en remets actuellement à vous pour luy faire mes excuses et pour l'assurer de tous les sentiments que j'ay pour luy.

Il se pourait bien faire que dans quelque temps je vous priasse de m'aider à faire l'acquisition d'une petite terre dans notre voisinage d'environ cent et quelques mille livres. C'est un assez bon effet, et qui mettrait plus d'abondance dans nos Délices. Cette terre servirait à procurer très bonne chère à la bonne compagnie de Geneve qui vient quelquefois dans votre maison. Que n'y êtes vous? Mais vous faites fort bien d'acquérir à Lyon de quoy venir un jour vivre dans notre hermitage encor plus agréablement que moy.

Les russes ont beau dire en se retirant, qu'ils ont gagné la bataille du 25 septb, les lettres que j'ay reçues du R. d. P. n'ont point du tout l'air d'un homme battu. On assure que les anglais en veulent à Quebec. Dieu garde mal Ponticheri. Votre très humble valet y perdroit moitié de son avoir.

Quand billets de lotterie et annuitez seront au pair, je vous supplie d'en signifier un mot à l'hermite qui vous aime.

P. S. Révérence parler, je viens d'acheter une terre. N'en dites mot et gardez moy 130 m.H pour la payer.

Voicy la réponse à la lettre qu'une belle dame vous a donnée pour moy. Il n'y a qu'à la faire mettre tout uniment à la poste. Valé.

V.