1758-04-10, de Voltaire [François Marie Arouet] à Jean Le Rond d'Alembert.

Mon cher philosophe il est bon d'être ferme mais il ne faut pas être impitoiable.
Ne résistez plus au cri du public, et au mémoire des libraires qui sont à vos genoux. Faittes vous tirer à quatre, et puis donnez grâce. Mais quand vous aurez repris les rênes empêchez les déclamations. Quelle pitié! quels plats articles à côté des vôtres!

Mandez moy je vous prie quel parti vous aurez pris. J'ay à vous remercier de vos deux volumes qu'un libraire de Lausane m'a donnez de votre part. Ce sera l'ornement de mon petit museum lausanois.

On dit qu'on vient de faire encor un libelle atroce contre Diderot. C'est une nouvelle raison pour que vous ne l'abandoniez pas pourvu qu'il soit entièrement uni à vous. Faudrait il d'ailleurs que Duclos vous remplaçast, et comment vous remplacerait il? Enfin mon avis est toujours que les enciclopédistes et consors soient inséparables, qu'ils quittent tous ensemble, et qu'ils reprennent tous ensemble, et qu'ils terrassent leurs indignes ennemis.