6 avril [1757]
Vous savez il y a du temps mon héros, la glorieuse victoire que l'ancien ministère anglais a remportée sur L'amiral Bing à Portsmouth.
Mais vous ne savez peutêtre pas avec quelle hauteur la plus saine partie de la nation joint les cris de l'indignation et de la pitié à ceux de toutte L'Europe. On cite votre témoignage comme la preuve la plus autentique de l'innocence de Bing, et vous avez la gloire d'avoir vaincu les anglais et de les faire rougir. Je m'attendais que vous ne vous en tiendriez pas là, et quoy que l'exercice d'année de premier gentilhome de la chambre soit une très belle chose, j'espérais que les bords de l'Elbe pouraient être aussi glorieux pour vous que la Méditerranée. Le Roy de Prusse parait toujours fort gay, il disait que les français luy envoyaient vingt quatre mille perruquiers. Il se trouve qu'on luy en dépêche cent mille. Il y a là de quoy se peigner, à ce que disent les polissons. Pour moy je ne me mêle que des héros de tédc\\atre. Nous avons fait à Lausane une trouppe excellente, et je vous souhaitte d'aussi bons acteurs. M. Dargental prétend toujours que la comédie est un des premiers devoirs d'un honnête homme. Le maréchal de Villars aima les spectacles jusqu'à l'âge de quatrevingt ans. Faittes en autant Monseigneur, et que l'héroisme que vous voyez à Versailles de quelque côté que vous tourniez les yeux ne vous fasse pas négliger les grands hommes de l'antiquité.
Les deux suisses plus suisses que jamais, vous renouvellent leurs hommages. Vous connaissez le très tendre respect du suisse
V.