De Montpellier, ce 6 janvier 1758
…J'ai vu toute la ville, hormis m. Duché, procureur général, ami de d'Alembert, partisan de Voltaire.
Je crois que nous nous sommes fui mutuellement. M. de la C. m'avait averti que m. le marquis d'Argenson n'avait pas voulu le recevoir, parce qu'il passait pour excessivement caustique et méchant. Je vous disais dans ma lettre égarée, que j'étais déterminé à l'édition des œuvres de Voltaire. En effet, c'est, je crois, le meilleur parti. Je n'ai point fait imprimer mon prospectus, cette édition me dégoûte de mon Tacite. Ma réponseà Voltaire a cu ici un succès merveilleux. J'en ai donné à mes connaissances une douzaine d'exemplaires. Cent personnes l'ont lue, elle m'a même fait des espèces d'amis. Trouvez, je vous prie, un libraire à Toulouse qui veuille la réimprimer, je la lui enverrai avec augmentation et corrections, et je lui en achèterai douze exemplaires. Cet ouvrage peut être rendu meilleur. Le titre portera: Lettres de M. de la B. à M. de V. Votre avis sur la calomnie du libraire (car assurément c'en est une) m'allarma beaucoup. Je vous prie de me dire ce que c'est. Ajoutez le à la fin de votre réponse, en l'écrivant avec du jus de citron. Si vous passez jusqu'au printemps à Toulouse, j'irai vous y embrasser. Portez vous bien; ménagez votre santé. Je vous aime de tout mon cœur. Je crains de vous perdre: je crois que vous ne vous soignez pas assez. Il n'est pas possible qu'un bon régime ne vous rétablisse ou du moins ne vous soulage.
La Beaumelle