1757-08-01, de Alexis Piron à Pierre Louis Dumay.

Rions un peu des cascades du Phaéton du nord et de ses pensionnaires nos beaux esprits, qui voudraient bien troquer la cassette de Frédéric avec celle de Louis XV! Voilà un beau régiment réformé. Le capitaine Voltaire s'en moque peut-être sur les bords de son lac avec ses 80,000 livres de rente; mais je ne pense pas qu'il en soit de même des bas-officiers, comme entre autres de l'aigrefin de Saint-Malo, qui est allé promener son chagrin et sa présidence en d'autres cours étrangères où il aura bien de la peine avec son équerre et son compas, à retrouver un Salomon qui lui donne 1200 ducats tous les ans pour ne rien faire que l'entendre. Un petit ver rongeur pourrait bien aussi tracasser Voltaire; c'est le succès brillant d'une tragédie qu'on ne se lasse pas ici d'admirer. Le serpent de l'envie siffle, je crois, diablement dans son cœur. Il a seulement une consolation: c'est qu'il en attend la lecture. Non qu'il s'avise alors de la critiquer, il ne perd pas à cela son temps et son huile; mais c'est qu'il compte bien avec une moitié qu'il en prendra, et une autre moitié sans pied ni tête, qu'il sabrenaudera, barbouiller sous un autre titre quelque autre tragédie qui lui vaudra le double de celle-ci, sans jamais la valoir. Tel est et fut toujours son savoir, depuis Œdipe jusqu'à Rome sauvée. M. d'Argental fait les collections, et lui le reste. Corneille, Racine, Crébillon, Piron même et m. de Sully ont été les munitionnaires de ses quinze ou vingt volumes admirés de la génération présente: dieu sait ce que dira l'autre! Ses ouvrages seront une table des matières de ceux d'autrui….