à Monrion près de Lausane 24 février [1757]
L'esprit dans le quel j'ay écrit, Monsieur, ce faible essai sur l'histoire a pu trouver grâce devant vous, et devant quelques philosofes de vos amis.
Non seulement vous pardonnez aux fautes de cet ouvrage, mais vous avez la bonté de m'avertir de celles qui vous ont frappé. Je reconnais à ce bon office les sentiments de votre cœur et le frère de ceux qui m'ont toujours honoré de leur amitié. Recevez monsieur mes sincères et tendres remerciments.
Je passe l'hiver auprès de Lausane, où je n'ay point mes livres; le peu que j'en ai pu conserver est à mon petit hermitage des Délices auprès de Geneve. Ainsi je n'ay icy aucun secours pour vérifier les dattes. Il se peut que L'impératrice Constance fût fille du Roy de Sicile Roger, mais il me semble que ce Roger régna en 1101, et Henri 6, mary de Constance, en 1195; il l'épousa je crois en 1186; cette Constance avait des amants longtemps après cette époque. Il est bien difficile qu'elle soit fille de Roger. Je crois me souvenir que plusieurs annalistes la croient fille de Guillaume. Je consulterai mes capitulaires, et surtout Jeannoné quoy qu'il ne soit pas toujours fort exact.
Le cardinal Polus pourait bien avoir écrit la lettre à Leon dix longtemps avant d'être Cardinal. C'est de mylord Bollingbroke que je tiens l'anecdote de cette lettre, il en a parlé souvent à feu mr de Pouilly votre frère et à moy.
Adrien 4 au lieu d'Alexandre 3 est une inadvertence d'autant plus impardonable que dans le cours de l'ouvrage je dis toujours que c'est Alexandre 3 qui imposa une pénitence à Henri 2 d'Angleterre pr le meurtre de Tomas Béquet. Je ne manquerai pas de rectifier ces erreurs; et j'oublierai encor moins l'obligation que je vous ai. Il y en a quelques autres que je corrige dans la nouvelle édition que font actuellement les frères Crammer; ils m'ont arraché cet ouvrage que j'aurais dû garder longtemps avant de le laisser exposer aux yeux du public, mais puisqu'il a trouvé grâce devant les vôtres, je ne peux me repentir.
J'ay l'honneur d'être avec toutte l'estime et la reconnaissance que je vous dois monsieur votre très humble et très obéisst serviteur.
Voltaire