Paris, 14 févr. 1757
… Tâchez de lire la nouvelle édition de Genève des œuvres de m. de Voltaire.
Elle est en dix-sept tomes, sans ceux qui suivront. Ayez surtout le plaisir de lire les sept derniers, et c'est le plus pressé. Vous y verrez ce qui nous manquait jusqu'ici: un historien de goût et philosophe. C'est le travail de quarante ans d'étude dont l'homme le plus instruit fait don au public. Il dépouille les faits intéressants des détails inutiles. C'est un agréable conteur qui, sans une précision sèche, écarte de ses récits les circonstances dont on peut se passer. On ne peut quitter cette lecture de l'histoire qui communément fatigue et fait bâiller; les petits maîtres et les petites maîtresses ont quitté les romans pour ce livre amusant.
Les dix premiers tomes contiennent beaucoup plus de pièces de vers et de prose que vous n'en connaissiez du même auteur. On est étonné qu'un même homme, à l'âge de soixante et un ans, ait eu le temps d'apprendre quatre ou cinq langues et d'acquérir tant de connaissances et en même temps de faire tant de si beaux vers: car il laisse indécis dans lequel des deux genres il a le plus réussi; mais ce qu'il n'a pas laissé douteux, c'est qu'il prime dans les deux facultés….
Cideville