1756-03-28, de Voltaire [François Marie Arouet] à Louis François Armand Du Plessis, duc de Richelieu.

Si je n'avais pas une nièce, mon héros, vous m'auriez vu à Lyon, je vous aurais suivi à Toulon, à Minorque, vous auriez eu votre historien avec vous comme Louis 14.
Que les vents et la fortune vous accompagnent. Je ne peux répondre d'eux mais je réponds que vous ferez tout ce que vous pourez faire. Si jamais vous pouvez avoir la bonté de me faire parvenir un petit journal de votre expédition, je tâcherai d'en enchâsser les particularitez les plus intéressantes pour le public et les plus glorieuses pour vous, dans une espèce d'histoire générale qui va depuis Charlemagne jusqu'à nos jours. Je voudrais que mon greffe fût celui de l'immortalité. Vous m'aiderez à l'empêcher de périr. Il est venu à mon hermitage des Délices, des anglais qui ont vu votre statue à Genes, ils disent qu'elle est belle et ressemblante. Je leur ay dit qu'il y avait dans Minorque un sculpteur bien supérieur. Réussissez monseigneur, votre gloire sera sur le marbre et dans tous les cœurs. Le mien en est rempli, il vous est attaché avec la plus vive tendresse et le plus profond respect.

V.

Je me flatte que vous serez bien content de m. le duc de Fronsac. On dit qu'il sera digne de vous, il commence de bonne heure.

Oserais-je vous demander une grâce? Ce serait de daigner vous souvenir de moy avec M. le prince de Virtemberg qui sert je crois sous vos ordres, et qui m'honore des bontez les plus constantes.

Vous m'avez parlé de certaines rapsodies sur Lisbonne et sur la relligion naturelle. Vrayment vous avez bien autre chose à faire qu'à lire mes rèveries, mais quand vous aurez quelque insomnie, elles sont bien à votre service.