1756-01-02, de Beat Ludwig von May à Baron Albrecht von Haller.

… Mr de Volt: fait un fracas terrible; l'on crie fort contre un excès, qui s'est passé à sa table, N. B. le jour de Noel, auquel yl doit avoir participé plus que la Philosophie ne le comporte.
Il fait presque le train d'un Prince voulant manger dit on 60000 L: par an moitié à Geneve moitié à Lausane. Un Amy comun m'assure que j'ay trouvé quelque grâce devant ses yeux, et qu'il ne tient qu'à moi, de venir aussy souvant que je voudray èstre du nombre de ses convives; plust à Dieu que je puisse passer le pauvre reste de mes jours à manger du pain et du sel avec Vous, je laisseray bien volontiers tout le faste de ce phylosophe icy. Il à fait un Poëme sur Lisbone, qu'il n'a fait que lire à ses convives, l'on m'en à envoyé les 8 vers que je joins icy. Come J'ay lieu de croire que c'est de son aveu, et qu'il m'a paru que les Vers (fort admirés à Lausane) sentent fort le matérialisme j'ay risposté par quelques fragments de ma traduction de Vostre Origine du mal, qui me paroissent à peu près convenir pour réponsse. Vous y trouverés peûtêtre un peu de bone volonté, mais un fort médiocre Poète; mais que Mr de V: fasse des vers Allemands Nous serons au Nivaux….

Nos milles Compl: ad multos annos de ma compagne et de Votre très humble et très obéissant serviteur

B. Louis May

Fin d'un Poème de Mr de V. sur le Malheur de Lisbone

Atome tourmenté sur cest amas de boue,
Que la mort engloutit et dont le sort se joue.
Mais Atome pensant, Atome dont les yeux,
Guidés par la pensée ont mesuré les Cieux:
Au sein de L'infini, Nous élançons Nostre Estre,
Sens pouvoir un moment Nous voir et Nous Conoitre.
Que faut yl O Mortel? Mortel, Il faut souffrir,
Se soumettre en silence, adorer et mourir.
Lorsqu'au petit Courbaux tu done sa pitance,
Ne pourray je espérer pour moi ton Assistence?
Ce Dieu sy grand, pour moi, peut yl êstre petit?
Non, qu'il ne m'entre rien de pareil dans l'esprit.
Pardone O Dieu puissant. Sy ma route est obscure
Par une vive foi je puis la rendre sûre.
. . . . . . . . . . . . . . . .
Ta Volonté mon Dieu, ne peut êstre que Juste.
Prosternons Nous Seigneur! devant ta face Auguste,
Ton Estre est sage et bon ainsi que le seul grand.
Quand Nos Esprits seront dégagés du Néant,
Qu'ils auront éclairés leurs débiles Paupières,
A pouvoir soutenir, l'éclat de tes lumières,
Quand tu leurs Ouvrira, le livre du destain,
Tous béniront alors, ta libérale main.
Ayants subis la Mort, par une heureuse Echange,
Nous magnifierons ta Divine louange.
Où restera pour lors, le Vil blasphémateur,
Qui osa te blâmer d'un excès de Rigueur?