1755-12-23, de Voltaire [François Marie Arouet] à Théodore Tronchin.

Nous recourons à vous, mon cher Monsieur, de loin comme de près.
Nous vous devions à nos Délices toutes les douceurs de notre société; nous voulons à présent vous devoir la santé. made Denis ne veut point se purger sans votre ordre; elle en a besoin, parce que l'article du diner étant allé assez bien, l'article de la garderobe va mal; et en qualité de constipée, de gonflée elle demande une certaine médecine très-agréable et très-éfficace que vous lui aviez ordonné. Elle vous supplie de ne lui en point envoyer la recepte en latin, mais en bon français afin qu'elle l'apprenne par cœur, car il est bien doux de comprendre ce qui nous fait du bien. Cette médecine qu'elle vous demande n'est point composée de pillules, mais c'est un breuvage qu'elle prenait en trois ou quatre tasses. Voilà, Monsieur, pour ce qui regarde made Denis, sujet bien meilleur à médicamenter que moi. Je suis en mon particulier très-fidèle à la casse, à la manne, et à l'huile.

J'ai une autre grâce à vous demander qui ne regarde point la physique du corps hamain. Je vous supplie de vouloir bien envoyer en Hollande le papier ci-joint pour le faire insérer dans les Journaux: je vous aurai une très-grande obligation. Vous faites autant de bien aux esprits qu'aux corps, et je peux vous assûrer que mon corps et mon ésprit seront à vos ordres toute ma vie. Permettez-moi de présenter les assûrances de mon tendre attachement à tout ce qui porte votre nom.

Je n'ay point de terme mon cher et illustre docteur pour vous exprimer mon dévouement.

V.