1755-08-17, de Marie Louise Denis à Cosimo Alessandro Collini.

Votre lettre m'a fait grand plaisir, monsieur, et je vous prie de continuer à m'écrire.

Je ne doute pas que Gengis n'ait un grand succès; j'espère que vous me rendrez compte des représentations. Ne vous effrayez pas des critiques; quelque beau que soit l'ouvrage, on en fera beaucoup; tant mieux: mais pour qu'une pièce réussisse, il faut qu'il y ait du monde, voilà le grand point.

Je crois que nous ne la jouerons pas. Il m'est revenu que notre projet effarouchait les prêtres, et qu'ils craignaient que la ville en nous voyant jouer, ne prît du goût pour le spectacle. Comme je n'en avais aucun à jouer devant un auditoire étranger à ces plaisirs, et que les acteurs n'avaient que de la bonne volonté, j'en ai manqué sur le champ, et j'ai déclaré que ne voulant effaroucher personne, je ne jouerais pas. Les Cramers sont désespérés.

Adieu, monsieur; amusez vous de votre mieux; jouissez des plaisirs que Paris vous présente. Soyez sûr que mon oncle vous aime et qu'il vous attend. Ma sœur me mande qu'elle vous a offert un logement chez elle, et se plaint de ce que vous ne l'avez pas accepté et de ce qu'elle ne vous voit pas assez.

Faites, je vous prie, mille compliments à m. Lekain, je suis sûre qu'il jouera Gengis à merveille; mais Sarrazin est bien vieux pour Zamti. Ne doutez pas de l'amitié que j'aurai pour vous toute ma vie.

Je vous en dis autant; divertissez vous, voyez siffler mon Orphelin, sifflez les Parisiens; e ritornate a noi quando sarete stanco di piaceri, di donne, e di Parigi. J'envoie cette lettre à l'adresse que vous me donnez.

V.