1755-08-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Nicolas Claude Thieriot.

Ce que vous avez est presque aussi ancien que notre amitié.
Il y a trente ans que cela est fait, et vous voyez combien cela est différent des plattes grossièretez et des scandales odieux qui courent. Vous aurez le reste. Vous verrez que le bâtard de l'Arioste n'est pas le bâtard de l'Arétin. Un scélérat nommé Grasset est venu dans ce pays cy dépêché par des coquins de Paris, pour faire imprimer sous mon nom à Lauzane les abominations qu'ils ont fabriquées. Je l'ay fait guetter à Lauzane. Il est venu à Geneve, je l'ay fait mettre en prison. J'ay icy quelques amis; et on n'y troublera pas mon repos impunément. Adieu mon ancien ami. Vous auriez trouvé ma retraitte charmante l'été, et l'hiver il ne faut pas quitter le coin de son feu. Tous les lieux sont égaux quand il gêle, mais dans les beaux jours je ne connais rien qui aproche de ma situation. Je ne connaissais ny ce nouvau plaisir ny celuy de semer, de planter et de bâtir. Je vous aurais voulu dans ce petit coin de terre, j'y suis très heureux, et si les calomnies de Paris venaient m'y poursuivre, je serais heureux ailleurs. Je vous embrasse.

V.

Quid novi?