1755-07-27, de Voltaire [François Marie Arouet] à Marie Élisabeth de Dompierre de Fontaine, marquise de Florian.

Le porteur, ma chère nièce, vous dira combien je vous ai souhaitée dans mon ermitage; quelle est la beauté de la situation, et quelle peine extrême nous avons à rendre logeable une maison qui paraît avoir tant d'agréments, et à laquelle il manquait le nécessaire.
Le dit porteur est un florentin fort aimable et fort honnête homme, qui a été mon secrétaire, et qui en cela m'a fait bien de l'honneur. Il a porté à mr Dargental le paquet qui n'est point parvenu à Thiroit. Je supplie mr d'Argental de le faire copier, de vous le donner. Faites en tant de copies qu'il vous plaira, donnez en une à mr de Montigni pour mr de Malesherbes. Mr de Laleu paiera les frais des copies. Je crois qu'il est nécessaire que le véritable ouvrage soit un peu connu des honnêtes gens, attendu qu'il en court de supposés qui font horreur. J'ai obtenu qu'on mît en prison un homme qui avait eu l'imprudence de venir pour le faire imprimer en Suisse. Je voudrais qu'on traitât partout ainsi ceux qui cherchent à publier un tel scandale. Je suis si loin de vouloir qu'on imprime cet ouvrage, de quelque façon que ce puisse être, que je poursuis ceux qui veulent s'en charger partout où je les rencontre. Je vous prie d'en instruire Thiriot, afin qu'il répande mes sentiments dans le public. Tout cela est extrêmement triste, et trouble la fin de ma vie qui serait heureuse si je vous voyais. Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.