à Colmar 24 février 1754
Monseigneur,
J'ai eu l'honneur d'envoïer, il y a près d'un mois, à Vôtre Altesse sérénissime un faible témoignage de mon respectueux attachement.
Je lui ai demandé en même temps la grâce d'un petit arrangement pour mes rentes viagères. J'ai détaillé à Monsieur de Gemminguen les raisons de la très-humble prière que je vous fais.
C'est précisément quand je suis dans une ville telle que Colmar que je donnerai tous les certificats de vie qu'on éxigera; mais lorsque je serai dans une campagne éloignée des villes, et voulant y être ignoré, Vôtre Altesse sérénissime voudrait-elle m'assujettir à la douloureuse nécessité d'aller me présenter au loin, et d'aller décliner mon nom à des échevins de Province? Je la supplie très instamment de trouver bon que dans cette circonstance seulement j'écrive des lettres de ma main à Monsieur de Gemminguen, et au receveur de Riquewir; ces lettres et mes quittances de ma main ne serontelles pas aussi valables et aussi authentiques, que le certificat d'un juge de Province inconnu? Je n'ai point insisté, Monseigneur, sur l'évaluation des espèces, quoi que j'y perde quelque chose. Je suis trop honoré, top content d'avoir pû faire cette petite affaire avec Vôtre altesse sérénissime, et je ne l'ai regardée que comme une raison de compter sur vôtre Protection, et sur vos bonnes grâces.
Je la supplie très-instamment de daigner me donner cette preuve de sa bienveillance, en permettant que doresnavant, lorsque je ne serai plus dans la Province d'Alsace, mes lettres et mes quittances écrites toutes entières et signées de ma main supléent à la formalité d'un certificat de vie. Ce sera une nouvelle obligation que je lui aurai.
Je suis avec un profond respect, et avec un véritable attachement
Monseigneur
De Vôtre altesse sérénissime
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire