De Paris, 25 mai 1753
…La Beaumelle est à la Bastille depuis un mois: quelques unes de ses Pensées et la note sur la mort de la famille de Louis XIV lui ont attiré cette disgrâce, selon ce qu'on dit dans la ville; car je n'ai encore vu aucun ministre.
Je me flattais de pouvoir rencontrer ici mon ami Voltaire, mais, selon ce qu'on dit, encore Paris lui est interdit. J'aurais peut-être mauvaise grâce d'en parler, je laisse aux autres à vous dire dans quel mépris il est ici. On dit que le roi, lui laissant sa croix et sa clef, lui a fait redemander le brevet de sa pension, et n'a pu le ravoir; on eût trouvé plus décent ici que le roi eût commencé par les marques d'honneur. Je vous parle ici à cœur ouvert, la gloire du roi nous est chère à l'un et à l'autre; cela et tout ce qui s'est passé sur cela, étonne Paris, les amis de Voltaire en tirent avantage, et l'on tient sur cela bien des discours. Je n'oserais vous en dire davantage, mais je ne doute point que le roi n'en soit informé d'ailleurs.
Il paraît ici un portrait du roi, de sa personne, de ses occupations, des princes ses frères, de sa cour et de son pays, dans lequel se trouvent certains détails qui paraissent d'un homme fort instruit, et d'autres choses qui feraient croire que c'est de quelqu'un qui n'a jamais vu Berlin ni Potsdam. Le tout est tourné de la manière la plus indigne, avec autant d'art que de noirceur. Les amis de Voltaire l'attribuent à La Beaumelle, les autres à Voltaire….