Berlin le 6 Févr. [1753]
Voici les propres mots que m'écrit mr Wolff: ‘Maupertuis s'est embarqué, ut cum amicis ejus loquar, quod paucos adhuc Parisiis habet, dans cette affaire absque ulla ratione.
Eventus qui jam nemini ignotus est, facile praevideri poterat. Certum est quam quod certissimum veritatem esse ex parte Koenigii sive auctoritatem fragmenti Leibnitiani spectes sive judicium famosum Academiae, sive praetensum inventum legis parcimoniae, quae in se contradictionem involvit.’ Ce que vous ne savez peut-être pas, et ce que le monde littéraire sera bien surpris d'apprendre, c'est que ce judicium famosum, ce jugement infâme, n'a jamais été rendu; personne n'a signé, personne n'a délibéré, personne n'a parlé à l'exception de mr Sulzer, qui a élevé la voix pour protester contre ce brigandage. Tout avait été dressé chez le président. Formey même ne voulut pas signer la sentence et le tyran Maupertuis l'y contraignit au bout de 3 jours. Il n'y a point d'exemple d'une persécution pareille, et d'un despotisme semblable. Les académiciens pensionnaires n'osent pas se parler. Chacun craint d'être trahi par un délateur. Le roi est assez infortuné pour ignorer la vérité, et je n'ai su tout cela qu'hier. Mais per deos immortales, j'instruirai le Roi, dussé je périr. Je comptais venir vous voir ce mois-ci. Je ne crois pas que je le puisse. Réservez je vous en prie ce qu'on vous a envoyé d'historique, pour le mois de mars. Je ne puis vous dire davantage. Vale.
Voltaire