1752-09-04, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

Je viendray certainement vous faire ma cour madame, mais je vous avoue que je crains le fracas de Berlin, et le fardeau des devoirs qu'il faut rendre.
Tout cela ne convient guères à un pauvre malade solitaire. Il faudrait que vous fussiez ma garde malade à Knip-hausen, ou à Potsdam. Il me semble que la retraitte convient à votre philosofie comme à ma santé. Cependant vous courez continuellement après des reines et des princesses, et moy j'attens tranquilement un roy sans courir après luy. Que ne pui-je toujours courir après vous, et vous trouver toujours? Je suis chargé actuellement de l'abbé de Prades, philosofe persécuté par des prêtres. Le roy n'a rien fait encor pour luy. Mais il y a grande apparence que le roy au retour de la Silésie, luy donnera un bénéfice et une pension. Ailleurs il n'aurait que des excomunications. Les prêtres et les rois de Dannemark sont dangereux. Vivez heureuse loin des uns et des autres, et conservez moy vos bontez.

V.