1752-02-20, de Voltaire [François Marie Arouet] à Claude Étienne Darget.

Mon cher ami, j'espère encore être en état de venir vous embrasser mercredi ou jeudi; mais sur quoi peut on compter?
Milord Tirconel se porte mieux, et moi j'empire. Etre absolument seul, sans secours, sans consolation d'aucune espèce, presque sans espérance, à quatre cents lieues de sa famille et de ses amis; être privé par la violence de ses maux de la ressource de la lecture et de l'étude; se voir mourir pièce à pièce, entre deux toits couverts de neige: voilà mon état; profitez de cet exemple. Ménagez vous jusqu'au temps où vous irez chercher à Paris une guérison sûre. J'ai peur que vos jours et vos nuits ne soient tristes. Je voudrais pouvoir vous consoler; et si mes maux me donnent un peu de relâche, je viendrai vous dire, mercredi ou jeudi, quel tendre intérêt je prends aux vôtres. Je vous supplie de bien faire mes compliments à m. le comte Algarotti, et à m. le marquis d'Argens.