1751-12-29, de François de Chennevières à Marie Louise Denis.

J'étais mourante Monsieur lorsque je reçus les jolis vers que vous m'avez envoiés.
Ma santé est si déplorable que je n'ose vous en parler. Je suis dans ma chambre depuis mon retour de Fontainebleau; mais parlons de votre muse. Vous faites des découvertes charmantes. Ses vers sont très agréables, faites lui mille remercimens pour moi, dites lui que j'y aurais répondu avec un plaisir extrême si je n'avais renoncé aux vers pour ma vie. J'ai commencé un ouvrage bien opposé à ce genre de littérature et les comédiens m'ont guéri de la fureur de rimer. Pour vous Monsieur je vous exhorte à continuer ce joli talent, mais gardez vous de faire des comédies. Dites je vous prie à votre muse l'envie que j'ai de la connoitre et combien je suis flatée de la bonne oppinion qu'elle a de moi. Je la mérite par le cas infini que je fais de son esprit.

Pour vous Monsieur vous connoissez mes sentimens et la tendre amitié que je vous ai vouée pour ma vie. Je vous souhaite tout ce que vous méritez et vous serez le plus heureux des hommes. Venez me voir quand vous pourez et dites à Madame de Cheneviere que j'espère qu'elle m'aimera toujours et que je l'aimerai l'année prochaine comme celle cy de tout mon coeur. Adieu Monsieur, faites moi le plaisir de demander à Mr de Bussi s'il ne pouroit pas me faire tennir une lettre à mon Oncle en main propre. Sa dernière avanture me donne bien du chagrin. Vous en aurez sans doute entendu parler.