[December 1751]
Mon cher ami, il est bon de connaître la bonne foi germanique.
Il y a trois mois que, malgré ses protestations, Henning donna au docteur Houl, professeur à Francfort sur l'Oder, toutes les feuilles imprimées; Houl en a fait la traduction. Dès ce temps là, un libraire de Breslau, nommé Corn, ami de Henning, fit mettre dans les gazettes allemandes, qu'on devait s'adresser à lui pour avoir mon livre en français et en allemand. Ainsi on me perçait mon tonneau des deux côtés.
Houl est arrivé à Berlin; Henning intimidé prétend que ce docteur lui remit hier l'exemplaire et la traduction. Mais si cela est, il faut que Henning me rende, en mains propres, cet exemplaire et cette traduction, avec un certificat, par lequel il doit se rendre garant de l'événement; il faut aussi qu'il fasse ses diligences pour arrêter la vente de l'édition de Corn, auquel il a vendu le même livre.
Il pleure à présent chez Francheville; il dit que c'est un de ses garçons qui a fait toute cette manœuvre, et qu'il faut que je le fasse arrêter. Il ne sait pas que je suis instruit de tout. Voilà un vrai tour de dévot. Croyez qu'il peut avoir usé de la même perfidie pour les ouvrages du roi. Mais pour moi, je me garderai bien de m'adresser à la justice, dans un pays dont je n'entends point la langue, et où l'on opprime les étrangers. Le roi fera ce qu'il voudra. Je suis las de l'injustice des hommes.
Bonjour, mon cher ami.