[29 December 1751]
Sire,
Comme vos ouvrages sont plus tentans que les miens! Il poura bien quelque jour arriver à votre majesté ce qui m'arrive.
A mesure qu'on imprimait chez Henning les feuilles du Siècle de Louis 14 on les envoyait à Francfort sur L'Oder. Non seulement on y débite le livre publiquement, mais L'ouvrage est plein de fautes absurdes. Je ne parle pas de la perte que j'essuie, mais le pauvre Franchevile perd tout le prix de six mois de peines, et je suis déshonoré par une friponerie de libraire. Les fins d'année ne me sont pas heureuses. Mais je vous ay consacré ma vie, et avec cela on n'est point à plaindre.
Votre majesté peut d'un mot non seulement faire arrêter le libraire à Francfort, mais faire saisir son édition et savoir d'où vient le vol, mais donner ordre qu'on examine sur le chemin de Leipsik les voitures de Francfort qui contiendront des livres, et qu'on saisisse celuy qui portera le titre de Siècle de Louis 14, car le libraire de Francfort sur l'Oder envoye sans doute son vol à Leipsik.
Votre majesté sait mieux que moy ce qu'elle doit faire, mais j'attends tout de sa justice et de ses bontez. Je me jette à ses pieds, et entre les bras de sa filosofie. Mais je compte bien moins sur cette philosofie que sur votre protection.
Soufrez, sire, que je renouvelle à votre majesté à la fin de cette année les sentiments du profond respect et de la tendresse qui m'attachent à elle.