1751-05-15, de Voltaire [François Marie Arouet] à Charlotte Sophia van Aldenburg, countess of Bentinck.

Talestris ne fut jamais plus inquiète de la santé d'Alexandre.
Le roy a été indisposé madame, et je crois qu'il poura demain aller à l'opéra. Je me flatte que j'auray l'honneur de le suivre et de vous faire ma cour. Je suis plus pénétré de vos bontez réelles que vous ne l'êtes de votre belle passion pour un roy. Je n'aime bien vivement que les personnes qui me marquent de vraies bontez. Jugez si je dois vous être attaché. Quand je vous ay écrit par les couriers ordinaires la terre en question étoit en Ostfrise mais par votre courier elle sera où dieu l'a mise.

Je loge tantôt au châtau, tantôt au marquisat. Je voudrois bien loger quelquetemps auprès de vous. Je vous suplie d'ajouter à touttes les grâces dont vous me comblez celle de ne me pas oublier auprès de M. le comte de la Lippe.

Adieu madame, je ne me porte pas si bien que le roy, mais je pense à vous plus que tous les rois.