Le 22 janvier 1750
Vous avés de grands biens et de plus grands Talents:
Que vous souhaiter cette année
Que, dans un corps plus sain, une âme enfin bornée
A jouir de dons si brillants?
Un ample Revenu de Rentes et de gloire
Ne vous laissent rien désirer:
Avec bon cuisinier et nombreux auditoire
N'ayés soin que d'Ecrire et de bien digérer;
Soit donc que dans nos Jeux Thalie ou Melpomene
Vous ait couronné de sa main,
Goûtés, en déposant le Laurier qui vous gène,
Le loisir qui prépare aux vers du Lendemain:
Laissés dans les foyers vingt marquis vous attendre,
Laissés sur l'Escalier vingt Bégueules prétendre
A l'honneur de vous Enlever:
Trompés, sans pitié, cette foule,
Et quand, en vous cherchant, des yeux, elle s'écoule,
Diligent à vous Esquiver
Rentrés chés vous; après les faveurs du Parterre
Il ne faut à l'heureux Voltaire,
A l'autheur de Nanine et de Semiramis,
Que Repos et gaÿeté, sa Nièce et ses amis;
Ainsi le Dieu des vers, las d'éclairer le Monde,
Termine les jours les plus beaux,
Et pour trouver Doris sait, se cachant sous l'Onde,
Remettre au Lendemain ses Triomphes nouveaux.