1749-12-04, de Philippe Néricault Destouches à Comédie française.

Messieurs,

Vous êtes têmoins de mes égards pour Mr de Voltaire, et que je suis bien éloigné de vouloir hazarder la moindre démarche qui puisse lui donner lieu de se plaindre de moi.
J'aurois attendu volontiers qu'il vous eût rapporté les Rôles de sa Rome sauvée, et qu'il vous eût mis en êtat de la représenter, puis qu'elle êtoit reçue avant que je vous eusse lu ma Pièce. Mais comme j'apprends qu'il n'en est plus question, et qu'il veut y substituer une autre Tragédie qui n'est pas reçue, il est trop équitable et trop mon ami, pour trouver mauvais que je réclame mon droit, et que je vous demande comme je fais ici Messieurs, que ma Comédie soit jouée aussi tôt qu'elle sera sçue, puisque rien n'en arrête la représentation, et que je n'attends que les Copies des Rôles pour les distribuer. Si vous me refusiez cette justice, aucunes raisons ne pourroient vous autoriser à me faire un pareil passe droit, qui seroit également contraire à vos Règles, et aux égards que je crois pouvoir attendre de vous. Sur ce fondement je compte de distribuer mes Rôles incessamment, afin que nous puissions faire au plûtôt notre première répétition, et je me flatte que Mr de Voltaire lui même aura la politesse de vous y exhorter, pour imiter celle que j'eus hyer pour lui à votre assemblée.

J'ai l'honneur d'être au dessus de toutte expression,

Messieurs,

Votre très humble et très obéissant serviteur

Destouches